Mes deux étudiantes en TD de programmation

Ce matin, j’avais quatre heures de travaux pratiques de programmation en Fortran. J’aime bien ces créneaux, car les étudiants sont motivés, et il y a un côté pratique qui me plait. Je passe d’ordinateur en ordinateur pour les aider à débuguer ou répondre à leurs questions. Ce n’était pas mon groupe d’étudiants habituel, car j’avais fait un échange de créneau avec une collègue.

Dans ce groupe, plusieurs filles, ce qui est déjà pas mal dans un contexte d’école d’ingénieurs en Mathématiques et Mécanique. J’en connais une un peu plus que les autres, car elle est redoublante, et elle faisait justement partie de mon groupe l’an dernier. Elle a failli être virée de l’école à la fin de sa première année car elle séchait trop, pour finalement être repêchée d’extrême justesse. Je ne l’ai donc pas beaucoup vue en salle informatique l’an dernier, mais je l’aime bien, car elle est futée et a un sacré caractère.

Cette année, elle semble avoir bien réagi, et travaille plus sérieusement, au moins pour ce que j’en vois. Et justement, au cours de ces 4h, et au long de mes allez- et venues dans la salle de TP, j’ai eu le temps de l’observer. Et je peux vous dire qu’en plus d’apprécier son caractère bien trempé, j’aime bien son style: ou plutôt, le fait qu’elle ait aussi un style affirmé.

Des chaussures compensées, une robe assez courte (malgré le fait qu’elle ait des formes), un collier assez original autour du cou, et en plus de son sac de cours, une pochette recouverte de paillettes. Peu importe le détail exact de sa tenue, mais en l’observant du coin de l’oeil, j’ai acquis le sentiment que cette fille fait ce qu’elle veut également quand elle s’habille le matin (mon expérience non-exhaustive mais personnelle et prolongée en école d’ingénieur m’a plutôt habituée à des tenues plus classiques chez beaucoup de jeunes femmes), et ce constat m’a fait plaisir.

Sa voisine d’ordinateur, avait également une allure bien à elle: des cheveux colorés en rouge sombre, et des collants avec des cercles de couleurs. Les deux ont travaillé avec beaucoup d’enthousiasme pendant les quatre heures.

J’apprécie vraiment la plupart de mes étudiants garçons, mais comme ils forment la majorité de mes groupes, ils me marquent moins que ces jeunes femmes qui tracent leur route avec détermination, sans se cacher, dans un environnement que certains jugent encore masculin.

Exprimons-nous plus fort!

J’ai commencé à lire le roman de Chimamanda Adichie: « Americanah », et parallèlement à ça, j’ai écouté sa conférence TED.  J’aime beaucoup le début du roman, et j’ai écouté, captivée, son discours en anglais. J’ai adoré l’élégance de son écriture, aussi bien dans le roman que dans le discours. Des phrases à la fois claires et synthétiques, pleines d’intelligence et de sobriété.  Du dynamisme, de la conviction, et de l’humour en plus…

J’apprécie le féminisme de Chimamanda Adichie. Je m’y retrouve totalement. J’aime qu’elle soit à la fois très féminine et très féministe, élégante et affirmée, qu’elle ne voie pas les hommes comme des ennemis mais qu’elle souhaite simplement que chacun, homme ou femme, puisse jouir de la même liberté à décider qui il sera et à vivre sa vie. Qu’elle affirme son féminisme avec sérénité en dépit des critiques que cela lui attire.

Et ce qui me frappe dans le roman comme dans son discours, c’est de pouvoir aussi bien me retrouver dans les mots d’une trentenaire nigériane ayant vécu aux Etats-Unis. Moi qui suis certes une femme du même âge, mais vivant dans un environnement que je supposais assez différent… Est-ce une preuve de l’universalité de son écriture? Ou bien est-ce que notre expérience de jeunes femmes féministes nous rapprochent plus que je ne pouvais le supposer? En tout cas, j’aime beaucoup pouvoir me sentir aussi proche d’une personne, fictive comme Ifemelu, l’héroine de son livre, ou réelle, comme l’auteur dans son discours, alors que je n’imaginais pas (à tort, clairement!) que c’était possible.

Cela m’amène aussi à rebondir sur cet article de Libé qui relate comment récemment, dans certains journaux, Patti Smit s’est faite qualifier de diva faisant un caprice parce qu’elle changeait d’éditeur, alors qu’ Héloise Letissier, de Christine and the Queens, était accusée de « piquer sa crise » parce qu’elle s’agaçait de constater qu’on avait tendance à attribuer ses bonnes idées aux hommes de son entourage. L’auteur de l’article souligne la différence de traitement entre homme et femme dans ces cas-là: ce qui sera perçu comme un comportement normal chez un homme sera interprêté comme excessif chez la femme.

Et donc, je m’interroge: est-ce que ce n’est pas une des pire contraintes que la société impose aux femmes, que celle de ne pas pouvoir être en conflit, de pas pouvoir s’opposer franchement, de ne pas pousser de gueulante si on n’est pas satisfaite, de ne pas hausser la voix et taper du poing sur la table? (En dehors de la sphère domestique, bien sûr…)

Evidemment, savoir trouver des compromis, être poli et diplomate, c’est très important aussi. Mais savoir se servir indifféremment des deux registres suivant les besoins, c’est certainement encore plus utile.

Est-ce qu’on ne devrait pas considérer comme un devoir collectif que de faire entendre nos voix, peu importe le sujet, jusqu’à ce que cela finisse par être naturel à tout le monde? Jusqu’à ce que la prise de parole d’une femme soit considérée avec autant d’attention que celle d’un homme, sans perte de légitimité, sans être considérée comme un cas particulier, ou non pertinente pour raisons d’émotivité, etc…

Coquetterie

Voilà une petite série de réflexions sur… les fringues!

Tout d’abord, j’ai beau m’en défendre, mais je suis plutôt coquette. Ou plutôt: j’adore les vêtements. En classe prépa, je me changeais tous les soirs entre la fin des cours ou les heures de colles, et le moment d’aller à la cantine de l’internat. Ca me paraissait naturel, mais les mecs de ma classe pensaient que je mettais deux tenues différentes par jour et m’avaient surnommé Amidala, à cause des premiers épisodes de Star Wars qui venaient de sortir, avec la reine Amidala et ses tenues magnifiques. J’avoue, ça ne m’avais pas DU TOUT dérangée  d’être comparée à Natalie Portman, même si la ressemblance était bien mince! Quelques années après, en thèse, j’ai fêté mes premiers salaires en m’achetant une nouvelle robe par semaine pendant un ou deux mois. Depuis, je fais en sorte que mon placard n’explose pas, mais je continue à adorer les robes. Il m’arrive de me changer plusieurs fois par jour quand je suis à la maison: j’essaie des trucs, je m’adapte au temps, à mes envies de confort… Bref: je ne me maquille pas, je me coiffe à peine, mais j’adore les vêtements.

Dans ma vie de tous les jours, je dissocie très aisément mon envie de me sentir bien habillée et la pression que les femmes peuvent recevoir sur leur physique. C’est-à-dire que je m’habille par pur plaisir pour moi, et très peu pour les autres, à part mon Chéri. Evidemment, si une copine, voire quelqu’un d’autre me fait un compliment, ça me fait plaisir, mais je ne le recherche pas. Je pense que ça date de mes années avec quelques kilos de trop. A cette époque, j’adorais déjà les robes, et elles présentaient l’avantage de cacher un peu mon point faible (qui est toujours mon point faible d’ailleurs): mes jambes. J’étais alors frustrée et un peu malheureuse de mon embonpoint, mais j’aimais quand même m’habiller, et je comptais sur des jupes ou des robes bien coupées pour me mettre tout de même en valeur. Maintenant, je me sens mieux dans ma peau, je fais des efforts pour mon apparence, mais je suis loin de me rendre malade à ce sujet. Par contre, je déteste me sentir mal habillée, avec des vêtements que je n’aime pas, ou qui selon moi ne me vont pas.

Plus jeune, mes goûts étaient assez baroques. Par exemple, en prépa (scientifique, donc en principe, dans un milieu très conformiste pour le style vestimentaire), il m’arrivait de porter un paréo bleu et rose en jupe, tenu par une épingle à nourrice, avec un Tshirt rose et un gilet bleu assortis. J’avais toute une série de robes indiennes, dans des tissus chamarrés, que je portais avec des écharpes en velours ou tricotées par ma mère. J’adorais ces robes, et je regrette ne ne pas les avoir gardées quand elle se sont usées…

Cependant, depuis que Petite Sirène est là, je redécouvre à travers la manière dont elle s’habille l’élégance de la simplicité vestimentaire. Pendant des années, j’ai essentiellement boudé les Tshirt et les jeans, mais je la trouve tellement jolie habillée comme ça que ça me donne envie de l’imiter. Dans mon placard cohabitent donc mes robes colorées, et des jeans et Tshirts tous simples, que je porte en alternance suivant l’inspiration du matin…

Toujours à propos de Petite Sirène, maintenant qu’elle a quatre ans, elle devient assez coquette aussi. Certainement un peu à cause des copines de l’école, et aussi beaucoup en imitation de sa maman: elle choisit longuement ses vêtements, fait des essayages, mais également se coiffe tous les jours avec des barrettes et des serre-têtes, réclame des boucles d’oreille, du vernis à ongles et du maquillage…Pour le maquillage et le vernis, je suis assez stricte: uniquement pour les fêtes. Par contre, avec son papa nous lui avons promis de lui percer les oreilles cet automne, parce qu’elle en avait vraiment très très envie, et que nous nous sommes rendu compte  que beaucoup de petites filles de sa classe en avaient déjà, sans que cela ne semble poser problème.

Pour ma fille, je suis partagée entre l’idée qu’un peu de coquetterie n’est pas un vilain défaut, et que si je suis moi-même coquette c’est assez naturel qu’elle m’imite, et le souci de ne pas l’amener à survaloriser la beauté physique. Il y a un tel modèle dominant de « jolie petite fille » mais qui ne fait rien d’autre que ça… Je ne veux pas que ma fille tombe dans cet écueil. Ca ne m’embête pas du tout que Petite Sirène soit jolie, se trouve jolie ou cherche à être jolie, mais tant que ça ne se fait pas au détriment d’autres aspects de son développement. Je souhaite qu’elle courre, joue, teste des trucs, qu’elle n’hésite pas à se barbouiller, à crier plutôt qu’à minauder…

Le (gros) poids dans le matelas qui empêche les mamans de dormir…

Hier j’ai lu le post de Mme Déjantée https://lafamilledejantee.wordpress.com/2015/04/09/nous-sommes-des-menteuses-de-meres-en-filles/ .

Comme beaucoup de femmes visiblement, ce texte m’a beaucoup touchée, bien que je ne me sente pas, en ce moment en moins, menacée par le burn-out maternel. Mais la réflexion sur la culpabilité des femmes de ne pas réussir coller à l’idée de la mère parfaite que la sociéte nous impose, je l’ai absorbée comme une bouffée d’oxygène. J’étais tout simplement heureuse de lire une réflexion lucide et intelligente sur cette question.

Ma mère ne m’a jamais fait croire que le dévouement demandé aux mamans était quelque chose de naturel, de facile. D’ailleurs, ça ne l’était pas pour elle. Pour ma part, je crois très très fermement que mon épanouissement, en tant que personne, ne passe pas par ce rôle de mère totalement dévouée, mais par un équilibre entre les différents aspects de ma vie: famille, boulot, amis, temps personnel, même s’il n’est pas facile du tout de trouver cet équilibre.

Et ce qui me fâche, c’est que depuis que je suis devenue maman, je sens bien que pour beaucoup de personnes, instinctivement, je devrais avant tout me dévouer à mon rôle de maman, quitte à ce que le reste en pâtisse. Par exemple, sous la forme du « les enfants, c’est le plus important, on ne peut pas regretter de se consacrer à eux »… Je suis bien d’accord que mes enfants, avec mon mari, sont les personnes qui comptent le plus pour moi, et je serais prête à me scier un bras pour eux s’il le fallait. Mais en attendant de devoir me scier ce bras, j’ai l’intention de bien vivre, et donc de ne pas sacrifier toutes les autres choses qui ont un intérêt pour moi. Moyennant des compromis, je veux concilier tous les aspects de ma vie.

Je suis régulièrement scandalisée de constater que cette pression ne touche quasiment que les mamans, et pas les papas. C’est un sentiment compliqué, comme le souligne Mme Déjantée, parce que mon mari est un papa dévoué qui trouve naturel de partager les tâches, donc il n’est pas question que ma frustration se reporte contre lui. Mais en même temps je vois bien que nous vivons les choses différemment, parce que le poids de la société s’applique différemment sur nous deux. Pour ne pas laisser la colère m’envahir inutilement, je me raisonne en me disant que globalement, je m’en sors très bien, que je fais de mon mieux avec la situation présente…

Sinon, il y a autre chose, qui m’agace profondément, c’est qu’il n’y a aucune reconnaissance pour tous ces efforts qu’on demande aux mamans. C’est juste « normal ». Et ça je le sens aussi. Depuis que je suis maman, j’ai l’impression que je passe mes journées à essayer de faire de mon mieux, à essayer d’être vraiment efficace, pour m’occuper de mes enfants, pour mon travail, pour être en forme, pour que ma vie de famille se passe bien, mais qu’il n’y a jamais aucun retour qui reconnaisse mes efforts, parce que finalement, m’occuper bien de mes enfants et de ma vie familiale est considéré comme juste normal, et tout le reste comme une sorte de « luxe » qui n’engage que moi. (Enfin, justement, à part mon chéri, qui, s’il n’est pas toujours très loquace, m’aide beaucoup par le regard qu’il porte sur moi…)

Bref, on n’est pas encore sorties de l’auberge!!!!

J’en profite aussi pour écrire que ce blog est justement un instrument qui me permet de rester un peu moi-même: je prends le temps d’écrire ce que je ressens, de réfléchir à comment le formuler. Je condense sur quelques lignes mes émotions, et ça leur permet tout simplement d’exister librement…Ca m’aide à résister à cette pression, à vivre avec calme mes journées…

« Choisissez tout »

Je viens de finir le livre de Nathalie Loiseau, la directrice de l’ENA: « Choississez tout ».

C’est un livre où elle décrit son parcours et livre ses opinions sur les mécanismes qui gênent la progression professionelle des femmes, au moins dans un pays comme la France.

J’ai beaucoup aimé ce livre, pour plusieurs raisons:

– Natahalie Loiseau est un beau modèle: elle a réussi à s’imposer dans des milieux très masculins, en trouvant sa propre voie, c’est-à-dire sans copier le modèle masculin dominant, mais en s’affranchissant des stéréotypes collés aux femmes.

– elle analyse quels sont les mécanismes qui lui semblent importants dans un parcours professionnel comme le sien: avoir un bon mentor, s’affranchir du syndrome de la belle au bois dormant, de celui de la bonne élèvre, chercher l’efficacité plutôt que reproduire les comportements du passé…

– pour autant, elle indique clairement aussi qu’il lui a fallu du chemin, et des occasions particulères, pour comprendre ces mécanismes. je trouve ça positif, car cela semble montrer qu’on le droit de se chercher, de prendre le temps de comprendre, puis d’agir en conséquence, et qu’on reste maitre ou maitresse de son destin, au moins un peu.

– elle arrive à concilier un travail au plus haut niveau avec une vie de famille bien remplie et épanouie: un mari et quatre enfants, sans passer pour une wonderwoman inaccessible. Elle appelle de ses voeux, du moins il me semble, la possibilité d’avoir une vie bien équilibrée entre ses différents aspects, qui peuvent s’enrichir.

– Un passage que j’aime particulièrement, et sur lequel je vais méditer:

« Calmons nous, prenons du recul et apprenons l’humilité, qui souvent nous manque: personne d’autre que nous ne nous demande d’être parfaites. Nos enfants ont besoin que nous soyons aimantes et épanouies. Travailler dans le monde d’aujourd’hui requiert de le comprendre et de s’y sentir à sa place. Rien ne sert de souffrir et de se sacrifier. Nous n’avons rien à expier. »

Encouragement

Cet après-midi, j’avais un rendez-vous en visioconférence, pour discuter avec d’autres chercheurs et des industriels de l’intérêt  de monter des projets pour répondre à des appels d’offres nationaux. Bref. Deux personnes représentant des sociétés privées ont présenté leurs projets, et après, l’animateur a demandé si d’autres personnes avaient des choses à présenter. J’avais quelques transparents, mais c’était davantage pour présenter les activités de mon équipe que pour faire part d’un projet mûrement réfléchi. Et je n’osais pas trop me lancer, pour être honnête.

C’est alors qu’une autre participante, une femme plus agée que moi, anciennement directrice de mon centre de recherche, est intervenue en disant que j’avais des choses à présenter…J’ai donc rebondi sur ses paroles et présenté rapidement nos thématiques de recherche. Ca m’a un peu exposée, je ne sais pas si j’ai fait un bon effet ou pas, mais au moins j’ai essayé…et c’est grâce à cette femme. Je ne sais pas si elle l’a fait par solidarité féminine, mais en tout cas je lui en suis reconnaissante, et je ne suis pas sûre qu’un collègue masculin me connaissant aussi peu aurait pensé à faire ça.

Ce n’est pas la première fois que je bénéficie d’un léger encouragement de la part d’une femme chercheuse plus expérimentée. A chaque fois, ça me fait très plaisir. J’en parlerai sans doute bientôt, mais nous sommes peu de femmes dans ce milieu de la recherche scientifique, et le plafond de verre n’y est pas un mythe. Alors ces encouragements, même discrets, me font du bien.