J’ai commencé à lire le roman de Chimamanda Adichie: « Americanah », et parallèlement à ça, j’ai écouté sa conférence TED. J’aime beaucoup le début du roman, et j’ai écouté, captivée, son discours en anglais. J’ai adoré l’élégance de son écriture, aussi bien dans le roman que dans le discours. Des phrases à la fois claires et synthétiques, pleines d’intelligence et de sobriété. Du dynamisme, de la conviction, et de l’humour en plus…
J’apprécie le féminisme de Chimamanda Adichie. Je m’y retrouve totalement. J’aime qu’elle soit à la fois très féminine et très féministe, élégante et affirmée, qu’elle ne voie pas les hommes comme des ennemis mais qu’elle souhaite simplement que chacun, homme ou femme, puisse jouir de la même liberté à décider qui il sera et à vivre sa vie. Qu’elle affirme son féminisme avec sérénité en dépit des critiques que cela lui attire.
Et ce qui me frappe dans le roman comme dans son discours, c’est de pouvoir aussi bien me retrouver dans les mots d’une trentenaire nigériane ayant vécu aux Etats-Unis. Moi qui suis certes une femme du même âge, mais vivant dans un environnement que je supposais assez différent… Est-ce une preuve de l’universalité de son écriture? Ou bien est-ce que notre expérience de jeunes femmes féministes nous rapprochent plus que je ne pouvais le supposer? En tout cas, j’aime beaucoup pouvoir me sentir aussi proche d’une personne, fictive comme Ifemelu, l’héroine de son livre, ou réelle, comme l’auteur dans son discours, alors que je n’imaginais pas (à tort, clairement!) que c’était possible.
Cela m’amène aussi à rebondir sur cet article de Libé qui relate comment récemment, dans certains journaux, Patti Smit s’est faite qualifier de diva faisant un caprice parce qu’elle changeait d’éditeur, alors qu’ Héloise Letissier, de Christine and the Queens, était accusée de « piquer sa crise » parce qu’elle s’agaçait de constater qu’on avait tendance à attribuer ses bonnes idées aux hommes de son entourage. L’auteur de l’article souligne la différence de traitement entre homme et femme dans ces cas-là: ce qui sera perçu comme un comportement normal chez un homme sera interprêté comme excessif chez la femme.
Et donc, je m’interroge: est-ce que ce n’est pas une des pire contraintes que la société impose aux femmes, que celle de ne pas pouvoir être en conflit, de pas pouvoir s’opposer franchement, de ne pas pousser de gueulante si on n’est pas satisfaite, de ne pas hausser la voix et taper du poing sur la table? (En dehors de la sphère domestique, bien sûr…)
Evidemment, savoir trouver des compromis, être poli et diplomate, c’est très important aussi. Mais savoir se servir indifféremment des deux registres suivant les besoins, c’est certainement encore plus utile.
Est-ce qu’on ne devrait pas considérer comme un devoir collectif que de faire entendre nos voix, peu importe le sujet, jusqu’à ce que cela finisse par être naturel à tout le monde? Jusqu’à ce que la prise de parole d’une femme soit considérée avec autant d’attention que celle d’un homme, sans perte de légitimité, sans être considérée comme un cas particulier, ou non pertinente pour raisons d’émotivité, etc…